Maïakovski – La flûte de vertèbres

Versailles, France

Maïakosvki s’adresse au suprême inquisiteur…


Écoute,
suprême inquisiteur.
Bouche cousue.
Pas un cri
ne sortira de mes lèvres mordues jusqu’au sang.
Attache-moi aux comètes, comme à la queue d’un cheval,
laisse courir,
que me déchirent les dents des étoiles.
Ou encore :
quand mon âme en fuite
se présentera devant ton tribunal,
hébétée, sourcils froncés,
toi,
la Voie Lactée changée en potence,
tu pourras me pendre, je suis un criminel.

Maïakovski

… implore d’être délivré de la plus grande et de la plus belle des souffrances : l’amour d’une femme…

Fais ce que tu veux.
Écartèle-moi, si tu veux.
Je te laverai les mains, à toi, le juste.
Seulement – 
entends-tu! –
emmène cette maudite femme
dont tu as fait mon amour!
À grands pas, j’avale des kilomètres de rues.
Où aller, avec cet enfer en moi

Maïakovski

… l’amour d’une femme…

Je deviendrai le Tzar et c’est ton fin visage
que mon peuple, à mes ordres,
gravera sur l’or solaire des monnaies.
Et tout là-bas,
où le monde se change en toundra,
où le fleuve trafique avec le vent du nord, – 
j’inscrirai sur les chaînes le nom de Lili
et je les embrasserai dans les ténèbres du bagne.

Tu voles mon coeur,
tu prends tout,
tu déchires mon âme en délire,
accepte donc ce cadeau, ma chérie,
je n’écrirai peut-être plus rien.

Maïakovski